L'autruche est trop lourde pour volerL’autruche est trop lourde pour voler

Extrait du livre de Patrick Vincelet

Notre cerveau atteint sa complète maturité à l’aube de la trentaine. L’adolescence s’étale de l’âge de 11 ans à celui de 19 ans, commençant parfois plus tôt, terminant parfois plus tard, selon les individus. Les neuropsychologues appellent la période entre 12 et 28 ans « le troisième âge » qui, curieusement, est aussi l’appellation de l’âge de la retraite. Ce livre considère et prend en compte cette variante importante pour chacun. Au début de cette période, le cerveau de l’adolescent sélectionne et supprime des connexions neuronales, ce qui va permettre au fur et à mesure de modeler les régions cérébrales et d’adapter le comportement social. L’adolescent passera donc par des mini-périodes changeant rapidement, qui créeront le désarroi des adultes matures. Les parents très jeunes seront plus proches ou plutôt plus semblables à leurs enfants que les parents plus âgés.
Les neurones sont les cellules nerveuses qui envoient et reçoivent des messages et des impulsions électriques. Ils habitent, vivent, se nourrissent dans notre cerveau et participent à la constitution de notre « personne ». En se relayant, se succédant, s’unissant à notre vie psychique, en lien total avec notre « corpus », l’ensemble de notre corps biologique et physique, ils assurent une certaine « unité ».
Il est à retenir que les neurones communiquent entre eux par une structure nommée synapse ; que ces mêmes neurones se renouvellent et meurent ; que l’on définit leur activité par le terme de neurogenèse ; et que, pour comprendre l’individu, il est nécessaire de lier les aspects biologiques, organiques, corporels et psychologiques personnels et sociaux.
On peut donc dire que de l’âge de 11 ans à celui de 28 ans, l’individu, fille ou garçon, femme ou homme, sexué féminin ou masculin, se vivant l’un ou l’autre ou se cherchant, passe de longues années avec une croissance cérébrale en action, avec des impasses, des chausse-trappes, des béances, des manques, qui peuvent même se prolonger jusqu’à 30 ans. Pour certains, la précocité sera au rendez-vous d’une maturité reconnue ; pour d’autres, les temps de latence seront nécessaires à l’aboutissement de leur plein épanouissement ; enfin pour certains encore, les retards vont freiner une vie personnelle et sociale.
Nous faisons l’hypothèse que ce processus de maturation précoce s’inscrirait au début de l’adolescence, serait freiné au milieu de cette période et régresserait jusqu’à éclore en une immaturité au jeune âge adulte. En d’autres termes, l’adolescent des années 2000, plus encore celui des années 2020, paraît très en avance sur celui qu’était son père (indépendance, sexualité, par exemple), mais semble se perdre dans les dernières années lycéennes, va régresser en affrontant la vie d’adulte et se trouver démuni face à l’art de vivre.
Au cours de cette période, héritée des précédentes (enfance, petite enfance), la maladie, les retards de développement, les fractures, les blessures, les cicatrices, l’inconfort de vie, vont modifier la courbe du « grandissement » vers l’âge adulte.
La médiatisation de notre vie sociétale nous informe de toutes ces distorsions. Les émissions de radio et de télévision, les articles de magazines, les nombreux livres, nous informent et vont jusqu’à nous rendre perplexes et inquiets, ce qui n’est pas leur intention. Alors ce manuscrit en est un de plus, mais il se veut clair et pratique pour tous. Les adolescents et les jeunes adultes sont amenés à construire leur vie avec les doutes, les excès, les peurs, les idéaux, les pertes de sens qui entrent dans une pensée collective sombre et perméable aux pires emprises.
Je me propose de mettre à disposition des lectrices et des lecteurs un inventaire de ce que je nomme des « stations » : les turbulences de l’adolescence, les secousses qui sont comme dans « le train fantôme » de la fête foraine, pourvoyeuses de peur recherchée, de jouissance, qui font émotion et envie, de pertes de l’équilibre, d’interrogations et de désir de refaire un tour !
L’expérience, l’écoute, le conseil, m’autorisent à quelques propos et, plus que jamais, je peux dire aux psychologues, aux parents, aux éducateurs, que l’enseignement nous vient de celles et ceux qui nous soucient.
Il me semble utile de souligner encore ci-dessous la méthode.
Je m’y arrête comme dans une station pour aller voir et la décrire. Je la nomme STATION.
Je mets en exergue une attitude ou un comportement que je nomme L’EFFET ; je projette celui-ci sur l’adolescence puis au jeune adulte (Jadu), et ose devenir un « sachant » pour éclairer notre propre blessure et nourrir notre action positive à l’égard de celle ou de celui que l’on aime.
Mère, père, sœur, frère, parents, amis peuvent se mettre à l’écoute de celle et de celui que nous aimons, l’adolescent ou le jeune adulte, et qui piétine au lieu de grandir, s’enferme, s’enfonce jusqu’à même s’enliser.
En faisant appel aux spécialistes pour nous éclairer et trouver la porte de sortie d’une crise qui, comme toutes les crises, a un début et une fin, et dont l’espace entre les deux termes permet aux parents et aux éducateurs d’aider, d’accompagner, de suggérer. Nous devons garder la sérénité et l’espérance que l’affection et/ou la passion éducative nous insufflent.
Ce livre se présente comme un appui anticipant nos questions et nourrissant nos réponses de connaissances et d’expériences. Il se veut accessible à tous, à commencer par les intéressés eux-mêmes : à savoir les adolescents et les jeunes adultes. Il est aussi un acte de foi en l’individu qui, dans ses faiblesses et dans ses écarts, est en quête de Sens.
L’espérance est dans le fait lui-même : la crise. La crise « parle », « dit », et la difficulté est de savoir ce qu’elle nous dit. Souvent, nous avons senti, vu venir le début ; surtout en relisant ce qui s’est passé. Il s’agit de saisir, les mots, les attitudes, les aides, les soutiens nombreux qui se présentent, mais avec une rigueur constante que les professionnels qui ont le « savoir-faire » vont nous communiquer.
Aider, c’est savoir.
Savoir pour aimer.
Au cours de ce parcours en miettes, nous apprenons. Sachons remercier ce que nous offrent l’adolescent et le jeune adulte qui partagent, avec maladresse, avec désespoir, et parfois violence, ces moments difficiles.
Il n’y a pas de mauvais parents. S’ils font mal, c’est, assurément, qu’ils sont « maladroits ». Ils doivent donc comprendre et combler leurs difficultés en apprenant à comprendre, car c’est entendre, décrypter, décoder, être en alerte, et bien plus encore.
Il y a le langage des mots, les attitudes, les signes discrets, et nous avons bien besoin de ne pas être seuls à l’écoute.
Remonter à leur propre histoire les regarde ; mais là, maintenant, il y a comme une urgence qui n’est pas l’histoire de la vie des parents ni pourquoi elle ou il a fait ou n’a pas fait ce qu’il fallait ou ne fallait pas faire. L’aide est attendue, la souffrance est présente même si elle semble dissimulée ou niée.
L’adolescent, le jeune, appelle à l’aide, mais surtout à être compris : « Lui, au moins, il me comprend. » Quel jeune n’a pas lancé cela à la tête d’un parent ?
En premier lieu, cet opus fait place à la compréhension, donne quelques clefs, rappelle qu’il n’y a pas un terme fixe à l’adolescence et que l’âge adulte du jeune n’est qu’une « vieille » adolescence qui se prolonge pour maturer et éclore en une personnalité adulte, riche de jeunesse.
La perte de confiance, la peur d’être grand, d’être seul, de devoir gagner sa vie, de vivre l’amour, d’avoir des amis… doivent, par la sécurité affective retrouvée, la compréhension, la vie ensemble, apporter « l’espérance ».
Le possible est entre nos mains.

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