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Ce n’est pas un hasard si le dernier roman de Martine Gasnier concerne un italien. Nous devons à l’Italie, nation douée pour la beauté, le grand souffle artistique et intellectuel de la Renaissance, une partie des comédies de Molière, et cette philosophie du rire et de l’auto dérision qui est celle de la raison face aux réalités existentielles et aux outrances de ceux qui pensent avoir des certitudes. A plusieurs reprises, elle nous a fait pressentir combien cette Italie lui est culturellement chère. Mais elle nous rappelle aussi que cette Italie sombra sous le totalitarisme de Mussolini. Rien n’arrête la barbarie, ni la culture, ni la religion, ni la démocratie.
Elle reste fidèle à ses sources d’inspiration, le terroir, la province, le couple face à l’adversité, le contenu social et existentiel, la lutte des classes ouvrières face à une bourgeoisie dominatrice et arrogante, l’enfermement dans des traditions contraignantes et injustes, et le poids d’un catholicisme exigeant et intolérant. La condition de la femme est toujours sous-jacente dans ses récits.
Alors que la présence d’émigrés devient aujourd’hui un des sujets les plus brulants de l’actualité, elle nous restitue ce que fut celle du vingtième siècle lors de l’ arrivée de ces italiens, polonais et autres étrangers dont certains juifs, qui sont devenus plus tard des français à part entière pour le plus grand bien culturel et économique de la France.
Ces mêmes actuelles réactions qui sont celles d’une même partie de la population française nous confirment la pulsion raciste qui sommeille chez certains français. Il y a toujours parmi nous un Tribouillard, cafetier ou autre, qui défoule sa médiocrité dans le dénigrement et la haine. Elle fut celle de l’affaire Dreyfus puis de bien d’autres au cours du vingtième siècle. C’est d’autant plus surprenant que la situation démographique de l’Europe est très alarmante à l’horizon de quelques décennies. L’Occident vit au jour le jour, la France en particulier, puis viendront les dures réalités de l’imprévision.
Nous assistons aussi aux premiers pas du syndicalisme malmené par les préjugés, les rivalités, l’incompréhension, le dénigrement. Martine Gasnier nous restitue ce que fut le courage de ces premiers militants reniés parfois par ceux qu’ils défendaient. Pour avoir été moi-même délégué syndical, je ne peux que confirmer la justesse de ses propos. Après les confrontations syndicales, venaient les critiques de certains membres du personnel, de ceux qui ne seront jamais d’ accord, quoiqu’il advienne. Le Rital y fut plus durement confronté encore, mais certains des émigrés de culture chrétienne ou laïque lui apportèrent ce réconfort qui permet de tenir et de résister aux pressions de toutes sortes.
Mélanie, la rencontre providentielle que fera Emilio après son arrivée en France devra elle aussi affronter cette rumeur critique, insidieuse, allusive et raciste d’une certaine médisance provinciale. Comme le disait Nietzsche, lorsqu’elle disait je suis juste, ça sonnait comme je suis vengé.
La véritable insertion du couple se fera par la culture française, Emilio
quittera la mine pour la musique, et Mélanie tiendra un petit commerce ouvert à toutes les cultures et toutes les conditions sociales.
C’est toujours la rencontre providentielle qui permet aux personnages de l’auteure d’acquérir la force, la volonté et la stature nécessaire pour affronter les dures réalités. Elle croit en l’amour comme le lien nécessaire et salvateur qui peut tout affronter. Ce qui fait la force du couple c’est la fusion de deux compréhensions, deux personnalités, deux sensibilités, deux façons d’exister. Le couple, c’est la pulsion de vie, cette richesse incommensurable sans laquelle rien ne vaut la vie.
Et tout cela est écrit dans une langue française riche en vocabulaire et en verbes, dense aux chapitres courts qui vont à l’essentiel.
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