Plus personne ne me demande d’écrire, je n’écris pas. Quelle surprise lorsque j’ai reçu cette demande à préfacer « L’Autruche » qui est trop lourde pour voler !
Écrire, c’est s’offrir à la critique des individus, de leurs écoles psychanalytiques, des écoles com¬portementalistes qui gagnent des milliers de prati¬ciens, avec leur apprentissage rapide, prise de risque bien moins grande que celle de l’auteur qui nous confie son expérience.
Il y a quelques lointaines années, lorsqu’un conseiller du ministre de la Santé m’a parlé de Patrick Vincelet et que celui-ci a accepté d’entrer comme psychothérapeute d’enfants et de parents au centre médico-psychologique du quartier de Saint-Germain-des-Prés, une des unités que j’avais créées, j’étais désireux de travailler avec un collè¬gue créatif et connaisseur de cet univers immense de l’indicible, qui connaît les codes du handicap et particulièrement de la non-voyance, de la cécité psychique, des compensations pour une vie la plus normative, de survie, de l’adolescence en diffi¬culté, des fugues comme seules réponses… de la vie des zonards dans les rues, et qui, de formation psychanalytique, ouvertement élève de Lacan, allait nous enrichir. Sa palette de centres d’intérêt était comme à l’infini, il est comme un voyageur, un ethnologue, avec le désir de comprendre comment « ça » marche. Aussi bien le cirque, qui est une passion depuis l’enfance, que son intérêt pour la vie des artistes, son humilité à apprendre des animaux, des chevaux, des chiens, de la vie rurale, qui lui permet de vivre entre Paris et la Normandie. Je le rencontre souvent encore aux concerts du chœur et orchestre symphonique de Paris où Hélène « donne de son âme ».
À l’Abbaye, centre de soins et d’écoute, de formation et d’aide, que j’ai fondé, il venait en conjugaison avec les autres pôles dont j’avais ex-pliqué la complémentarité aux tutelles, à l’élu du quartier qui nous a facilité tant de choses, étant en charge à la Ville de Paris de l’équipement sanitaire et social, dont l’Assistance publique. Proche et solidaire des éducateurs de rue de Saint-Michel aux Halles, de la Free Clinic, de l’enseignement que nous donnions fait de témoignages plus que de théories : il était présent.
L’Abbaye c’était aussi un groupe de musique folk autour de Bill Deraime, leur concert hebdo-madaire avec en coulisse la Free.
La post Free qui se terminait vers une heure du matin où nous livrions nos étonnements. Patrick était à l’accueil des jeunes souvent perdus, tou¬jours disponible. Cette consultation avait été ou¬verte pour les gens du quartier mais avec l’idée que notre clientèle de l’Abbaye pourrait en béné¬ficier. Dire en un mot ce qu’était l’Abbaye : un lieu d’accueil, inconditionnel, issu de la psychiatrie de secteur et d’une pratique communautaire, pour des très pauvres dans un quartier nanti, où a brillé le Curé de Saint-Germain-des-Prés, quelques bé¬névoles l’entourant, un peu symétrique du pasteur en charge de l’ancien foyer protestant du 46 rue de Vaugirard, où nous avions installé un centre pour parents, lieu de recherche et de soins psycho¬thérapiques, où nous avons tant appris, autour de Françoise Reille Soult. Combien de pères désarmés disaient de leur fils qu’ils étaient des destroyers de punkitude !
Notre travail, avec Patrick et les collaborateurs, était d’expliquer qu’il fallait mettre à disposition de cette clientèle la possibilité de présenter leurs enfants pour les entraîner à dire, oser parler de ce qu’ils vivaient, en fait nous avons appris à partager notre expérience, avec la consultation de la pro¬tection judiciaire de la Jeunesse, rue de l’Arbre Sec. Et aussi avec le Relais Alésia, activité de l’Aide Sociale à l’Enfance, supportée par l’Institut de puériculture, donc la Consultation du Professeur Soulé, boulevard Brune.
Patrick Vincelet, avec son attitude d’accueil, souriant, venait ainsi nourrir ce réseau pluriel de ses attachements singuliers. La place existait pour ses aspirations de leader. Il était de tous nos com¬bats. Chères lectrices, chers lecteurs, vous allez en apprendre en découvrant ce savoir-faire de l’auteur, et n’hésitez pas à le questionner.