Didier Goret
Maire durant trois mandats d’un village du pays d’Auge, Guerquesalles, j’ai vécu au plus près la réalité du monde rural, avec ses bons et moins bons côtés.
Le rôle d’un maire est de gérer la commune à travers son administration et sa police, d’être impartial autant que faire se peut et de se mettre au service de tous.
Mais dans un petit village, compte tenu du peu de personnel, le maire devient l’homme à tout faire et intervient dans tous les domaines de la vie de ses administrés, et parfois aussi de la mort. Cette fonction élective de base ressemble à celle du médecin généraliste que nous avons connu il y a quelques années. Toujours sur le pont, joignable à tout moment de la journée, mais aussi de la nuit, pour résoudre les querelles de voisinage, recueillir les animaux errants, des chiens aux vaches en passant par les chèvres et moutons, écouter les doléances…
Bedeau, facteur, éboueur, homme d’entretien, comptable, écrivain public… La liste des métiers est infinie. L’un de mes administrés, après s’être confié à de multiples reprises, le résumait par cette formule : « Vous êtes entre le notaire et le curé ; il n’y a plus que vous. » Il m’est ainsi souvent arrivé d’avoir, pour un même problème, deux versions différentes selon les protagonistes !
Au-delà de ses difficultés, la fonction de maire est aussi génératrice de plaisirs, sinon elle ne serait pas aussi convoitée ! Tous ces plaisirs, j’ai tenté de les coucher sur papier pour les partager et en garder le souvenir.
Je n’ai traité que les anecdotes amusantes ou touchantes, écartant délibérément les situations complexes, ingrates et peu glorieuses. Et pourtant, elles existent ! Chaque village abrite au moins une harengère, et le nôtre n’y fait pas exception, mais il y a plus intéressant à évoquer.
Ce choix délibérément positif m’a permis de conserver les identités des habitants, de mes collègues, des institutions. Rien n’est flouté, mais tout n’est pas dit !
J’ai compris aussi que l’Histoire, la petite et la grande, imprégnait la commune à travers des épisodes cocasses ou tragiques, qu’elle avait des répercussions sur notre existence d’aujourd’hui. Il m’a semblé important d’y faire allusion en parallèle avec les épisodes de la vie actuelle.
À travers l’énumération de tous ces sujets, on s’aperçoit que l’identité d’une commune, communauté de vie humaine, ne peut se réduire à une vision comptable comme nos technocrates aiment à le penser. »
À lire dans Des économies d’échelle - Journal d’un maire rural