« Du métier avant toute chose. L’art du nouvelliste est un art difficile et de longtemps, je n’avais lu de si belles pièces, des pièces si savamment et élégamment composées. Par savamment, j’entends le dosage de l’explicite et de l’implicite et par élégamment, l’esprit de pudeur et la générosité en acte dans l’exercice. [...]
Si vous êtes sensible, comme je le suis, au travail de Bertrand Bonello, le plus doué et le plus nécessaire de nos cinéastes contemporains, vous aimerez lire Didier Goupil, particulièrement la seconde nouvelle ou séquence du volume, construite à l’instar de Coma comme une lettre à sa fille, chenille en passe de se faire papillon, sa môme sur le point d’entrer dans la carrière : braver à mains nues et en solitude un monde peuplé de prédateurs.
Comment faire encore rimer le nécessaire chant de confiance dans la vie avec un conte de Grimm ? À cette question essentielle, loin, très loin de la cage aux singes littéraires, de Saint Germain ou d’aucune école de Brive ou de Mantes-la-Jolie, la voix de Goupil impose avec fermeté sa cantate de la vie qui va, abîmée, souillée, souvent cauchemardesque et pourtant merveilleuse. [...]
Me plaît particulièrement chez Goupil sa manière de dire nous toujours en disant je, son attention au tremblement des êtres, à la sensualité de l’existence, surtout son extrême douceur- pudeur pour dire l’innommable. Dire le martyre des femmes évanouies et niées par ceux qui devaient leur tenir lieu d’amants, compagnons ou maris, de frères, d’amis, de père et d’amoureux et se sont avérés leurs bourreaux ; celui des êtres qui vieillissent habités par la peur, gâtés par l’ordinaire des jours, hantés par la mémoire des temps mauvais. En chaque ride, tavelure ou cheveu blanc, Goupil invite son lecteur à lire les traces d’un combat. Ce recueil constitue une reprise ou variation du chant flaubertien auguré par le sacre de Catherine Leroux, servante usée par cinquante ans de lessives et de peines, poursuivi avec le perroquet de Félicité et l’advenue à la sainteté du cruel Julien.
La Catherine Leroux de Goupil s’appelle Lola. Cuisinière, elle a servi des lampées de Rivesaltes et préparé moult plats merveilleux mais à présent, elle n’est plus qu’une vieille femme dont la mémoire chancelle, s’éloigne irrémédiablement. En quelques lignes, le drame d’une invisible qui se souvient avoir eu l’âge de sa fille – encore elle – et la bouche comme une chanson…
Lisez, si m’en croyez, Didier Goupil, l’écrivain du soleil, sa langue d’oc de fils du Sud, offrez-le sans modération à ceux et à celles que vous aimez afin que le sel de la vie, le goût des jolies choses, des chansons d’autrefois et de toujours, reviennent, ruissellent en eux comme un chant oublié. [...]
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