Claude Bochurberg est un ostéopathe réputé, diplômé en psychosomatique de l’université Paris V, qui a formé nombre d’étudiants durant des décennies, y compris à l’étranger. Né en 1942, Claude n’a quasiment pas connu son père, arrêté en 1944, déporté sans retour dans les Pays Baltes, le 15 mai 1944, par le convoi 73.
Il mène parallèlement une intense et brillante activité bénévole de journaliste, tenant depuis plus de 40 ans, à la fois la rubrique « Mémoire » de l’excellent hebdomadaire Actuj et l’émission « Mémoire et Vigilance » sur Radio Shalom, sans oublier son implication depuis 25 ans à la Fondation Mémoire de la Shoah au sein de la commission « Mémoire et Transmission » et au comité de lecture de la collection « Témoignages » dans le cadre des éditions Le Manuscrit à la FMS. Cela exige de la part de Claude une mobilisation permanente : sa participation à toutes les cérémonies et réunions importantes, la lecture des ouvrages dont il faut rendre compte, les rencontres et les entretiens avec tous les militants de la mémoire, dont il a dressé les portraits, les parcours de vie, les biographies et les notices nécrologiques. Une œuvre mémorielle immense dont il a fait don aux archives du Mémorial de la Shoah : ses enregistrements radio, ses articles et ses nombreux ouvrages, sans compter les films dont il a pris l’initiative pour que l’action de notre association reste vivante.
Claude Bochurberg est le Balzac de la tragédie humaine de la Shoah en France et les survivants de cette Shoah lui doivent une infinie reconnaissance. Grâce à Claude, ils survivront une deuxième fois ; en tout cas ceux qui se seront engagés pour que dans l’avenir on se souvienne de chacun d’entre eux et de ce que collectivement ils avaient accompli pour la mémoire et pour la justice.
En outre, Claude est toujours à mes côtés dans l’action comme dans la réflexion et sa profonde humanité est telle que si l’un de nos militants a de graves ennuis de santé, Claude accourt à son chevet, pour le réconforter.
Il est utile d’ajouter que les deux fils de Claude et Françoise, Lionel et Arnaud, ont reçu la meilleure éducation qui soit, de la part de leurs parents. Lionel et ses deux jumeaux se sont installés en Californie à San Diego où Lionel mène une carrière brillante d’avocat international, doté de plusieurs barreaux. Arnaud, professeur d’université, officier des Palmes Académiques, formateur et dirigeant d’entreprise, est resté parisien pour le plus grand bonheur de ses parents. Claude et Françoise sont déjà arrière-grands-parents, à l’origine d’une belle descendance. Tous deux sont intensément fidèles au souvenir des victimes de la Shoah. Claude est d’ailleurs depuis longtemps opérationnel à la Grande Synagogue de la Victoire, lors de la cérémonie télévisée en hommage aux déportés. Pour assumer cette permanente activité, Claude, à son âge, se déplace, en scooter le plus souvent, et conserve une élégante silhouette de jeune homme.
Claude a publié nombre d’ouvrages consacrés à l’ostéopathie psychosomatique, quatorze ouvrages de chroniques et d’entretiens, et une demi-douzaine d’essais d’inspiration éthique et philosophique. Dans quelle rubrique situer Fulgurances d’ombre et de lumière ?
Un livre qui se lit d’une traite parce qu’il est l’auto portrait de Claude au travers d’une vingtaine de nouvelles suscitées par des éclairs surgis de sa mémoire, qu’il s’agisse de rescapés d’Auschwitz, de criminels nazis, d’orphelins de la Shoah, d’écrivains antisémites, mais aussi en contrepoint de moments de bonheur familial ou de réflexion philosophique.
La sensibilité de Claude est toujours en éveil et oscille sans arrêt entre un passé qui fut présent et un présent rassurant mais porteur d’un avenir toujours inquiétant. Chaque rencontre, chaque personnage, chaque interrogation oscille entre sérénité et angoisse : Léa, qui à Birkenau n’est pas entrée dans la chambre à gaz, Annette l’orpheline, la conscience efficace et douloureuse de notre association, Maurice, le seul rescapé de Sobibor, Maidanek et Auschwitz-Birkenau, Henri, l’ultime du convoi 73, celui du père de Claude ; ces militants des « Fils et Filles » sur lesquels Beate et moi pouvions tant compter, que la mort a emportés, et que l’art de Claude par l’article, par le livre, par la voix et par l’image aidera à ne pas effacer.
Si pour Claude comme pour moi les victimes sont prioritaires, il n’oublie pas les persécuteurs qu’ils soient allemands comme ce SS du Stutthof, ou français et fusillé à la Libération, comme Brasillach, normalien et pogromiste, ou bien Maurice Papon qui, face à Claude qui l’interpellait, se prenait pour Dreyfus face à Drumont.
Disciple de Levinas et de Jankélévitch, philosophes éclairés par la grâce et le sourire, Claude sait profiter des instants illuminés de bonheur, qu’il doit à tous les siens et à la magie que peut susciter l’éloignement des uns et des autres, grâce à la performance du net. Les dialogues de Claude avec ses chers vivants se déroulent également avec ses chers disparus pendant la lecture des noms des déportés, devant une tombe ou un monument comme notre Mémorial en Israël édifié depuis 25 ans, avant celui de Paris, et qui porte l’état-civil de toutes les victimes de la Shoah en France.
Sans vouloir échapper à un passé contraignant et à un présent oppressant qui à eux seuls risqueraient de le paralyser, Claude recommande de « surfer sur la temporalité » et de savourer le bonheur d’exister. Les liens qui unissent Claude à ses fils sont puissants et féconds pour eux et pour lui ; ils irriguent ce livre de même que les textes des philosophes préférés de Claude qui l’ont guidé vers une inestimable liberté intellectuelle.
Les fulgurances de Claude Bochurberg ne sont pas éphémères, rapides et brutales comme les éclairs et la foudre ; elles offrent au bon sens du lecteur un signal ô combien lumineux pour le guider vers un mieux-être toujours à conquérir.